Il fut un temps où les plantes médicinales sauvages se cueillaient à Songeson ; il fut un temps où il y avait une école à Songeson. Monsieur René Marchand y a été instituteur de 1941 jusqu’à la fermeture de l’école (en dehors de la période1942/1945). Il était de ces instituteurs qui mêlaient vie pratique, expériences concrètes et apprentissage des savoirs scolaires. L’approche de la nature faisait partie du programme scolaire mais aussi et surtout du quotidien. La constitution d’un herbier était encore au programme de l’école normale comme l’illustre l’herbier de Mr Marchand daté de 1940/41conservé précieusement par sa belle-fille Colette. Dans cette école le savoir théorique s’ancrait dans l’expérience vécue rendant le savoir plus compréhensible, plus marquant mais aussi plus valorisant pour l’élève, tout en s’inscrivant souvent dans une démarche plus globale au niveau sociétale et économique. Les choses avaient un sens, un rôle. Colette Marchand, épouse de son fils Claude explique que l’école possédait son jardin. Le maître et ses élèves y cultivaient diverses plantes alimentaires ou non. Ils découvraient ainsi les différents modes de culture, l’assolement, les relations entre les plantes, les parasites…et savouraient les fraises, groseilles et autres fruits… le jardin était avant tout un espace pédagogique. Une ruche trônait aussi au milieu des plantations (le sucre était denrée rare). C’était l’occasion de passionnantes observations. Aux savoir-faire pratiques s’alliaient biologie, mathématiques…. de retour en classe. Henriette Grand dite « Yette » fut une de ses élèves et se rappelle être allée cueillir avec le maître des plantes sauvages qui étaient mises à sécher dans une pièce attenante à la salle de classe sur les grandes cartes pédagogiques de géographie et autre. Sureau, serpolet, tilleul… étaient cueillis par les élèves. Ces plantes une fois séchées étaient regroupées avec les récoltes d’autres écoles jurassiennes pour être vendues afin de récolter des fonds permettant l’achat de livres de bibliothèque. Où partaient les plantes ? chez un herboriste à Besançon, Lyon, Paris ? chez un grossiste ? la mémoire manque, les archives aussi pour le savoir. En matière de cueillette sauvage, et toujours dans le même but les enfants allaient ramasser des glands qui étaient livrés à une coopérative pour l’alimentation animale (cochons). Pour Joseph Goydadin, élève à Songeson dès 1939 il s’agissait aussi de participer à l’économie de crise : « à l’époque de la guerre et après-guerre on manquait de tout pour nourrir et soigner les gens, les soldats, on manquait de main d’œuvre. Pendant la guerre avec Mme Bigueur la remplaçante de Mr Marchand on a continué les cueillettes. D’ailleurs on ne cueillait pas seulement des plantes mais aussi des faînes de foyard (hêtre) à l’automne qui partaient en coopérative pour le remplacement du café ». Il se rappelle également qu’à la maison pour remplacer le café on utilisait l’orge qui était mise à griller dans la casserole-grilloir sur la cuisinière avant d’être moulue. Pour remplacer le café son épouse qui a grandi à Soucia se rappelle avoir récolté les racines des chicorées du jardin afin de les couper en petits dés qui étaient mis à griller au four à pain. Mr et Mme Goydadin se rappellent aussi que dans les familles on cueillait des plantes qui étaient mises à sécher près de la cuisinière à bois pour la tisane du soir, pour soulager l’estomac, pour bien dormir… camomille, tilleul et autres plantes étaient au rendez-vous. Concernant la contribution des enfants aux contraintes du contexte de l’époque, Yette se rappelle aussi que les élèves participaient dans ces années-là à d’autres activités ; ainsi ils allaient ramasser des glands qui étaient ensuite C’était le cas aussi du ramassage des doryphores : en effet les champs de patates étaient alors nombreux dans et autour du village, quelques hommes manquaient en raison de la guerre, et sans patates c’était promesse de ventres creux. Ces quelques souvenirs de l’école de Songeson, de son dernier instituteur et du lien homme-plantes qui étaient encore cultivés aussi bien au niveau scolaire que familial nous auront permis on l’espère de partager un peu avec vous de la nostalgie de ces savoirs, de l’envie de les cultiver encore, et de les faire renaître !
Si vous avez des témoignages sur l’activité de cueillette de plantes médicinales par les écoles, ceux-ci nous intéressent ! vous pouvez contacter Sarah Arbaud au 03 84 44 18 76, Colette Marchand au 03 84 25 70 79.